Le pouvoir de la Banque centrale sur l’émission monétaire

 

Dans tous les pays du monde, la Banque Centrale ou Institut d’émission, que l’on peut aussi appeler la super-banque, possède le privilège d’émettre les billets de banque, mais aussi une monnaie scripturale dite "monnaie centrale".

Cette monnaie ne s’échange qu’entre titulaires de comptes ouverts chez elle, soit les banques et le Trésor.

En ce qui les concerne, les banques de dépôts créent de la monnaie scripturale dite "monnaie secondaire" dans des limites qui restent à démontrer, même si le pouvoir monétaire, la Banque Centrale en l’espèce, prétend les contrôler.

Cette monnaie ne s’échange qu’entre titulaires de comptes ouverts dans une banque de dépôts.

Les deux monnaies ne doivent pas se mélanger. Leur hiérarchie s’y oppose et l’organisation s’est employée à les séparer puisque les titulaires de comptes dans une zone ne sont pas titulaires de comptes dans l’autre zone.

Dès lors, se pose la question capitale de savoir si la Banque Centrale a ou non le pouvoir et les moyens de limiter la création monétaire par les banques ? En pratique, la monnaie secondaire est-elle sous la dépendance étroite de la monnaie centrale, ainsi que la théorie du multiplicateur le fait croire, ou encore existe-t-il une véritable courroie de transmission entre les deux monnaies ?

Il convient de rappeler tout d’abord que les instruments de direction dont dispose l’Institut d’émission pour mener à bien sa politique monétaire, sont depuis quelques décennies, libéralisation oblige, réduits à la portion congrue : le taux directeur et les réserves obligatoires. Il ne faut pas oublier que dans les années 60/70, la Banque de France a dû imposer l’encadrement des crédits, seul et ultime moyen de limiter la hausse (excessive à son avis) de création de signes monétaires par les banques.

L'autorité de la Banque Centrale sur les banques s'appuie principalement sur des liens de dépendance que l'on peut analyser comme suit :

a) - pour fonctionner, les banques doivent disposer d'une autorisation permanente qui leur est accordée par le pouvoir monétaire,

b) - elles doivent se procurer auprès de l'Institut d'émission la monnaie fiduciaire (pièces et billets) qu'elles sont tenues de fournir sur leur demande à leurs clients,

c) - elles sont dans l’obligation de se conformer à la réglementation bancaire, qui leur impose notamment de constituer des réserves, appelées réserves obligatoires ; le montant de ces réserves, calculé pour chaque banque sur la base d'un pourcentage des dépôts de sa clientèle, doit faire en moyenne journalière l'objet d'un dépôt sur un compte ouvert à son nom à la Banque Centrale,

Ce compte n'est pas un compte au sens habituel du terme, c'est-à-dire destiné à faire face à des dépenses ou décaissements ou à recevoir des encaissements, comme l’a souligné la Banque de France dans son bulletin n° 70 d’octobre 1999 sur le Concept de Banque centrale :

Ces avoirs constituent une monnaie particulière qui n’est détenue que par les intermédiaires financiers et ne sert pas aux transactions.

Ce compte a le caractère d’un compte spécial de passage obligé et de dépôt des réserves obligatoires,

d) - enfin, celle-ci fixe le taux du "refinancement", auquel doivent souscrire les banques pour disposer de monnaie centrale.

Ce terme de "refinancement" peut laisser croire que les banques doivent se "refinancer" dans cette monnaie pour alimenter leur activité de création monétaire. Il n’en est rien ainsi qu’on le verra plus avant.

Si l’on excepte la première obligation, qui concerne l’autorisation d’exercer le métier de banquier, il reste que pour satisfaire aux conditions fixées (b et c) les banques doivent se procurer de la monnaie centrale auprès de l’Institut d’émission, à un coût déterminé (d).

En théorie donc, le "refinancement" et son coût sont connus toutes banques confondues. En pratique il en est autrement, ainsi qu’exposé plus bas.

Voyons à présent, comment les banques se procurent la monnaie centrale.

Elles ne peuvent pas d'évidence se libérer par tirage sur leurs caisses, comme elles le font d'ordinaire pour la plupart de leurs transactions avec les agents non bancaires. Aussi, a-t-il été institué au départ un mécanisme d'un type particulier fondé sur les transferts de créances. C'est ce que l'on appelle la prise en pension de créances par la Banque Centrale, forme élémentaire du "refinancement", lequel n'est rien d'autre en dernière analyse que le financement des besoins en monnaie centrale (monnaie fiduciaire et réserves obligatoires).

Les banques, en effet, n'avaient alors d'autre moyen, pour se procurer cette monnaie, que de faire remonter, si l'on peut dire, ou d'échanger les créances (qui sont à l'origine de leur activité de création monétaire) d'un niveau inférieur (le leur) à un niveau supérieur (celui de la Super-banque).

Depuis, l’Institut d’émission a décidé d'intervenir sur un marché, appelé l’open market, offrant ainsi aux banques des moyens plus souples pour se fournir en monnaie centrale. La Banque centrale accorde ainsi au secteur bancaire un refinancement permanent qui peut revêtir plusieurs formes : réescompte à taux fixe ou concours à taux variable, achat, vente et prise en pension de titres de créances, etc. Elle consent également des avances intra-journalières. En contrepartie, elles doivent remettre en garantie des titres dits "éligibles" à la Super-banque.

En raison de graves risques de déstabilisation de l’appareil bancaire et de l’économie, le pouvoir monétaire ne peut pas se permettre de refuser aux banques l’approvisionnement en monnaie centrale. Les banques qui se trouveraient en difficulté pour des raisons de mauvaise gestion, par exemple, ne sont pas visées ici, bien entendu.

Et pourtant, le désastre financier des crédits hypothécaires américains dits des "subprimes" (2007-2008), en raison de sa dimension, nous prouve le contraire !

La Banque Centrale supervise l’activité des banques en leur imposant de faire passer par leur compte ouvert chez elle l’intégralité de leurs transactions journalières.

Si l’on examine l’activité journalière des banques, on relève grosso modo deux grandes masses de mouvements de fonds :

- le traitement en compensation des transactions (chèques, virements, effets de commerce, prélèvements, cartes bancaires, etc.) de leur clientèle, d’une part,

- leurs propres transactions interbancaires (achats de titres, contrats à terme, swaps et options, notamment), d’autre part.

Autrefois en France, et ailleurs probablement, la compensation s’appliquait presque exclusivement aux transactions de la clientèle des banques et celles-ci liquidaient entre elles leurs positions sur la base d’autorisations réciproques de découvert, appelées aujourd’hui limites d’exposition bilatérales.

En ce qui concerne leurs dettes propres à l’égard des agents non bancaires, lorsque ceux-ci ne disposaient pas de compte ouvert chez elles, les banques s’en acquittaient autrefois par chèque ou virement tiré sur leur compte à la Banque de France. Ceci, jusqu’à ce que dans les années 80 les banques donnent des consignes à leurs trésoriers de remplacer au maximum les chèques tirés sur la Banque de France par des chèques ou virements tirés sur elles-mêmes payables en compensation. C’est ce qui a été fait avec succès.

En utilisant les systèmes de compensation pour effectuer le paiement de certaines de leurs dettes propres, les banques ont réussi à échapper dans une certaine mesure à la tutelle de l’Institut d’émission.

Ainsi donc aujourd’hui, les banques liquident les positions résultant non seulement des transactions de leurs clients, mais aussi d’une fraction de leurs dettes, sans monnaie et en toute liberté par les prêts qu’elles se consentent mutuellement, contre garantie naturellement.

Et, l’obligation de comptabiliser à la Banque Centrale toutes les transactions, y compris celles de la compensation, ne limite en rien le pouvoir de création de monnaie secondaire des banques. La Super-banque joue ici le rôle d’une simple chambre d’enregistrement comptable des opérations, puisque les banques font leur affaire du règlement de leurs positions réciproques par des accords de prêts/emprunts assortis de garanties sur les marchés interbancaires.

Tout ceci jusqu’à ce que survienne la crise des subprimes qui a bouleversé le fonctionnement de ces marchés au point de les rendre inopérants.

On s’aperçoit donc qu’il n’existe pas de courroie de transmission, tout au moins jusque là, entre monnaie centrale et monnaie secondaire. La Banque Centrale ne contrôle donc pas à ce niveau la création de monnaie secondaire par les banques.

Cependant, dans la deuxième grande masse des mouvements de fonds, citée au-dessus, les transactions interbancaires les plus importantes s’opèrent bien par le canal de la Banque Centrale, en monnaie centrale donc. Cela veut dire que les banques doivent se procurer, contre garanties, la monnaie nécessaire à l’exécution de ces ordres de virements. Ce faisant, elles dépendent des autorisations de crédit que veut bien leur consentir le pouvoir monétaire. On n'a jamais eu connaissance d'un refus de la Super-banque de fournir des liquidités pour l'exécution de ces ordres.

Et puis, par le jeu des transferts de monnaie centrale d’une banque à l’autre, l’approvisionnement des besoins chez les unes nourrit des excédents temporaires ou permanents chez les autres. C’est pourquoi la Super-banque offre aux banques de reprendre leurs liquidités excédentaires ; cela s’appelle l’absorption ou la reprise de liquidités. La monnaie centrale ne s'échange pas entre les banques, ce qui veut dire que lorsqu’une banque a des excédents, elle ne peut pas les offrir à une banque qui en manquerait. L'open market est là pour ça et la Banque centrale sert de passage obligé.

On vient de voir que les banques doivent se financer en monnaie centrale à hauteur du montant des billets et des pièces qu’elles se procurent à l’Institut d’émission, d’une part, et du montant des réserves obligatoires qu’elles sont tenues de garder en compte, d’autre part. Le niveau du refinancement, toutes banques confondues et le coût en découlant devraient donc être connus.

Cela n’est pas le cas, car les banques disposent de monnaie centrale, gratuite pourrait-on dire, ce qui leur permet de réduire le montant du "refinancement" et par voie de conséquence son coût, allant même pour quelques-unes jusqu’à tirer des bénéfices de la situation ci-après exposée au détriment de la Banque Centrale.

De plus, les comptes qui reçoivent les réserves étant rémunérés (en Europe en tout cas), le coût du refinancement de ces réserves est en grande partie neutralisé, le différentiel de taux étant très faible. Dès lors, les réserves obligatoires n’ont plus guère de sens, sinon de laisser croire que le pouvoir monétaire contrôle l'émission de monnaie par les banques de dépôts.

Il existe en effet trois sources de monnaie centrale gratuite qui revient fatalement aux banques puisqu’il n’y a quasiment qu’elles et le Trésor qui se partagent cette monnaie. La Super-banque procède en effet à la création (ou inversement à la destruction) de cette monnaie, lorsque :

- elle alimente les réserves en devises du pays, ce qui est le cas de la plupart des banques centrales dans le monde, à l’exception remarquable de la Banque Centrale des Etats-Unis, la Fed,

- elle consent des avances directes ou indirectes au Trésor (souscription ou rachat ferme de bons ou obligations d’Etat), ce qui est interdit en zone Euro mais autorisé sous conditions aux Etats-Unis, c’est le cas de la Fed,

- exerçant son activité, ses actifs propres sont supérieurs à ses passifs propres (les actifs de la banque centrale sont un facteur d'élargissement tandis que ses passifs sont un facteur d'absorption de la liquidité bancaire, dixit la Banque de France).

Celle-ci dans son étude sur le Concept de banque centrale admet que : "ces opérations (les deux premières) constituent des facteurs autonomes de la liquidité bancaire qui échappent à l'autorité monétaire". De la troisième source, il n'est jamais question car elle est tenue secrète. Il y règne le silence d’un cimetière.

Ainsi, les devises étrangères dont disposent les banques (provenant des exportations de leurs clients, par exemple) représentent des disponibilités transformables immédiatement en monnaie centrale à la Super-banque. Les pays exportateurs en devises offrent ainsi à leurs banques la manne de monnaie centrale émise en contrepartie par les Instituts d’émission.

Quant aux avances faites au Trésor Public (cas de la Fed), qui possède un compte à la Banque Centrale comme toutes les banques, elles fournissent à celles-ci de la monnaie centrale aussitôt que les fonds sont utilisés par l’Etat au règlement de ses dépenses à destination du secteur privé.

Quand il se procure un actif ou libère un passif, l’Institut d’émission crée de la monnaie centrale et la détruit quand il cède un actif ou prend un engagement au passif, avec toutefois une exception : l’émission de billets qu’il inscrit à son passif. Enfin, il monétise ses pertes et démonétise ses profits en monnaie centrale. Bref, la Super-banque crée la monnaie qu’elle met à la disposition de celui qui lui vend un bien, un service ou une valeur, tandis qu’elle la détruit en sens inverse. Les banques ont le même pouvoir avec la monnaie secondaire, ce que l’on se garde bien de mettre en évidence !

Cela étant, cette création de monnaie centrale qui bénéficie aux banques a pour effet de diminuer leurs besoins de "refinancement" et par voie de conséquence de réduire l’emprise du pouvoir monétaire sur elles.

Pour analyser l'incidence de cette monnaie gratuite sur le financement des banques, on a choisi de retenir et de comparer les bilans de trois banques centrales : la Banque de France, l'Eurosystème et la FED à la date du 31 décembre 2006. Depuis la crise, en effet, ces bilans ont subi de telles variations que la situation d'exception qui les affecte aujourd'hui nuirait à une bonne analyse.

Bilan de la Banque de France au 31 décembre 2006 (en milliards €):

ACTIF

 

PASSIF

 

Avoirs en devises

36.0

Billets émis en circulation

120,2

Opérations de refinancement

15,8

Compte de dépôts des banques

26,4

Autres actifs

180,3

Autres passifs

85,5

(Source : Banque de France)

Situation financière consolidée de l’Eurosystème au 31 décembre 2006 (en milliards €) :

ACTIF

 

PASSIF

 

Avoirs en devises

143,1

Billets émis en circulation

629,6

Opérations de refinancement

450,6

Reprise de liquidités

2,7

 

 

Compte de dépôts des banques

174,8

Autres actifs

563,8

Autres passifs

350,4

(Source : Banque Centrale Européenne)

Bilan de la Fed au 31 décembre 2006 (en milliards $) :

ACTIF

 

PASSIF

 

Bons et Obligations d’Etat

783,6

Billets émis en circulation

783,0

Prises en pension (Refi)

40,8

Reprise de liquidités

29,6

 

 

Compte de dépôts des banques

18,8

Autres actifs

49,0

Autres passifs

42,0

(Source : Fed)

La comparaison de ces trois situations bilancielles est pleine d’intérêt, étant précisé que les autres actifs comprennent notamment les réserves d’or et certains concours extérieurs (FMI, DTS).


(dans leurs monnaies respectives)

Rubriques

BDF

Eurosystème

FED

A - Refinancement des banques

 + 15.8

+ 450.6

+ 40.8

B - Compte de dépôts des banques (R.O)

- 26.4

- 174.8

- 18.8

C - Reprise de liquidités

0.0

- 2.7

- 29.6

Position nette des banques à la Banque Centrale (A-B-C)

- 10.6

+ 273.1

  - 7.6

 

Apport de liquidités par la Banque Centrale

 

 

 

D – Avoirs en devises

+ 36.0

+ 143.1

0.0

E – Bons et obligations d’Etat

0.0

0.0

+ 783.6

F – Différence (autres actifs – autres passifs)

+ 94.8

+ 213.4

+ 7.0

Retrait de liquidités par la Banque Centle

0.0

0.0

0.0

G – Billets émis

- 120.2

- 629.6

- 783.0

Apport net de liquidités par la Banque Centrale (D+E+F-G)

+ 10.6

- 273.1

 + 7.6

Le tableau ci-dessus montre que la Banque de France et la Fed ont apporté à leurs banques respectives, dans leur ensemble, plus de liquidités que nécessaire. La monnaie centrale est donc abondante en France et aux Etats-Unis.

On peut observer en France que les banques dans leur ensemble ont financé leurs besoins en monnaie fiduciaire (56,8 mds€) et leurs réserves obligatoires (26,4 mds€) à l’aide de leur seul refinancement (13,7 mds€). Elles ont donc bénéficié de 69,5 mds€ de monnaie centrale gratuite.

En vertu de quel droit les banques reçoivent-elles gratuitement et disposent-elles à leurs fins personnelles de monnaie émise par la Super-banque ? Apparemment, d’aucun. Qu’ont-elles fait pour bénéficier de ce privilège exorbitant ? Rien, sinon se trouver dans la place et de profiter d’une organisation faite à leur mesure.

Cette manne de monnaie centrale provient des trois sources citées : aux USA, des avances faites par la FED au gouvernement ainsi que par une émission monétaire résultant d’un excédent des autres actifs sur les autres passifs de l’Institut d’émission ; tandis qu’en France elle a pour origine les avoirs en devises ainsi qu’un excédent des autres actifs sur les autres passifs de la Banque de France.

Dans tous les cas, les 3 Super-banques ont créé de la monnaie centrale, leurs autres actifs étant supérieurs à leurs autres passifs.

Aux USA, les opérations de refinancement (40,8 mds) recouvrent des situations contrastées mises en évidence par les reprises de liquidités (29,6 mds). Il existe en effet un déséquilibre structurel accentué entre banques américaines, certaines d’entre elles disposant de concours exceptionnels (refinancement) qui rapportent aux autres des excédents placés en épargne (reprise de liquidités) à la Fed. Ce déséquilibre n’existe pas en France, puisqu’il n’y a pas de reprise de liquidités et pourtant la position nette des banques françaises est plus importante que celle des banques américaines, tant en valeur relative qu’absolue.

Il paraît utile de préciser ici qu’entre le 5 décembre 2007 et le 21 août 2008 (cf. bilans intermédiaires), la Fed a choisi de prêter aux banques en difficulté des titres du Trésor américain, pour 150 milliards de dollars, contre des titres (pourris par la crise des subprimes) dont personne ne voulait plus. Elle a préféré avancer des titres plutôt que de fournir des liquidités nouvelles, apportant ainsi la preuve que ce n’est pas de la monnaie centrale qui s’échange entre banques.

Enfin, en France seulement, les opérations de refinancement sont inférieures au montant des réserves obligatoires (comptes de dépôts des banques), alors qu’elles sont supérieures dans l’Eurosystème et aux Etats-Unis.

Ouvrons ici une parenthèse.

En 1988, (après la publication en février d’un règlement relatif à la liquidité) la Banque de France écrivait : « l’effet premier de l’existence des réserves obligatoires est de ponctionner la liquidité bancaire ».

On peut se poser la question de savoir de quelle liquidité il s’agit ?

On se trouve ici au cœur de la confusion qui règne en matière de liquidité bancaire, y compris dans les plus hautes sphères du pouvoir monétaire, ce qui est tout de même inquiétant !

Le ratio de liquidité des banques comprend notamment au numérateur :

    - à la fois, le compte des réserves obligatoires,
    - et les actifs éligibles à la Banque Centrale,

ce qui permet d’avancer que contrairement à ce que prétendait la Banque de France en 1988, l'existence des réserves obligatoires ne ponctionne aucune liquidité bancaire ; l’autorité monétaire se borne à les nourrir, notamment par le biais de la prise en pension.

Rappelons à présent que les liquidités sont toujours inscrites à l’actif d’un bilan, qu’il s’agisse des banques ou des agents non bancaires.

A leur actif, les banques disposent des liquidités suivantes:

    - celles qui leur sont imposées par le système des réserves obligatoires,
    - et leurs excédents sous forme de reprises de liquidités, résultant de la politique monétaire de la Banque Centrale, comme on vient de le voir.

Les actifs de la banque qui peuvent être rapidement liquides, tels que bons et obligations du Trésor et autres titres (à l’origine de la création monétaire), ne sont pas des liquidités au sens habituel du terme. En cédant ou en donnant en pension ses actifs à la Banque Centrale, la banque reçoit de la monnaie centrale, tandis que les mêmes actifs cédés à un agent non bancaire ou arrivant à échéance donnent lieu à destruction de monnaie secondaire. C’est là une différence fondamentale.

A leur passif, par contre bien évidemment, elles détiennent les liquidités de leurs clients, mais de celles-ci elles ne peuvent disposer.

Toutefois, pour le calcul du ratio de liquidité, la règle veut que soient pris en compte les actifs facilement liquides dans le cas supposé où la banque serait mise en demeure de rembourser à tout moment toutes les liquidités à vue et à terme de leurs clients inscrites à son passif, ce qui est impensable sans signes avant-coureurs.

Finalement, on a le sentiment que le pouvoir monétaire ne maîtrise rien du tout. Que dans la crainte d’une catastrophe monétaire imminente (à tout moment), il ait pris des mesures totalement inadaptées et disproportionnées. Ce coefficient de liquidité ressemble à s’y méprendre à un coefficient de liquidation judiciaire !

Refermons la parenthèse.

On peut dire en substance que les banques sont seules maîtresses de l’émission de monnaie secondaire, car :

    - elles font leur affaire, en toute indépendance et sans monnaie, des positions issues de la compensation des transactions de leurs clients et par conséquent sans qu’elles aient à se fournir en monnaie centrale ; il n’y a donc pas de courroie de transmission entre les deux monnaies,

    - leurs besoins de refinancement pour faire face aux demandes de billets et de pièces de leurs clients ainsi qu’à leurs obligations de réserves sont en pratique sensiblement réduits par la politique et la gestion monétaire de l’Institut d’émission (acquisitions de devises, avances à l’Etat, activité de la super-banque), l’emprise du pouvoir monétaire se réduisant d’autant,

    - la monnaie secondaire ne sort jamais des banques qui sont à l’origine de sa création, comme la monnaie centrale ne quitte jamais l’Institut d’émission,

ce qui permet d’avancer que, dans leur activité d’émission de signes monétaires, les seules limites auxquelles les banques se heurtent sont la demande, la demande solvable évidemment, nonobstant le ratio de solvabilité.

La quantité de monnaie centrale que détiennent les banques à la Banque Centrale est égale à la somme de leurs comptes à l’Institut, soit approximativement les réserves obligatoires et les reprises de liquidité. Ces comptes figurent à l’actif de leur bilan comme les créances qui sont à l’origine de leur création monétaire. On peut donc en déduire que cette quantité de monnaie centrale a servi, à hauteur de son montant, de contrepartie à la création de monnaie secondaire par les banques.

La théorie du multiplicateur sert le pouvoir monétaire en faisant croire que celui-ci maîtrise totalement la création monétaire, alors qu’il n’en est rien, ainsi qu’on a pu le vérifier.

Voyons maintenant quel rôle peut bien jouer le dernier instrument à la disposition de la puissance monétaire, c’est-à-dire le taux d’intérêt directeur.

L’expérience montre que le niveau des taux pratiqués par les banques suit de moins en moins le taux directeur depuis le début de ce siècle. Si on compare en France sur une longue période (1969-2009) le taux moyen pondéré au jour le jour (le plus proche du taux directeur) supporté par les banques et les taux de base bancaire (pratiqués à l’égard de leurs clients, entreprises principalement) on constate que les deux courbes se rapprochent quand le taux directeur est élevé et s’éloignent quand il est faible. Effet de seuil en deçà duquel les banques ne peuvent pas prêter sans perdre de l’argent ou profitent de la circonstance pour en gagner un peu plus. On constate également que le niveau des taux pratiqués par les banques suit de moins en moins le taux directeur depuis le début de ce siècle.

C'est ce que montre le graphique ci-dessous.

 

 

En conclusion, la banque centrale n’a aucun pouvoir sur l’émission de monnaie par les banques et par voie de conséquence aucun pouvoir sur la stabilité des prix dont elle s'est elle-même investie de la responsabilité suprême !

Elle a abandonné aux banques privées le droit et le pouvoir d'émettre la monnaie sans réel contrôle.

Elle abuse l'opinion publique en prétendant lutter contre une inflation monétaire qui n'existe plus depuis longtemps, la hausse des prix ayant une origine qu'il faut rechercher dans les comportements de ceux qui par ce moyen font leurs profits.

Elle prétend également diriger la politique monétaire par les taux directeurs, alors que manifestement ils n'ont pas l'effet escompté et qu'en outre depuis le début de ce siècle les banques semblent bien s'en affranchir. Enfin avec la crise, de nombreux pays occidentaux rejoignent le Japon qui, malgré un taux directeur voisin de zéro depuis une vingtaine d'années, n'arrive pas à faire décoller son économie, ce qui nous conforte dans notre analyse.

Elle utilise le seul instrument de bord - la masse M3 - complètement déboussolé, car reposant sur une mesure pertinemment fausse, et elle le sait ! Enfin, des réserves obligatoires qui ne servent à rien ! Bref, tout n'est que faux-semblants à destination de l'opinion pour masquer ses carences !

Plus grave, encore. Aux Etats-Unis, la Fed est en réalité sous le contrôle des banques privées, qui font partie des actionnaires au travers des 12 Réserves fédérales régionales. Tout porte à croire que la crise des subprimes est due à de grossières manipulations commises par la corporation, à la tête de laquelle un gouverneur qui semble bien accorder plus d'attention aux banques qu'à l'intérêt général.

De plus, événement passé quasiment inaperçu, ce sont les banques centrales qui supportent à présent le risque de dépréciation à la place de leurs amis banquiers. Conséquence de ces transferts de pertes, car il faut bien appeler les choses par leur nom, la Fed a été placé sous la protection du Trésor Public dans la plus grande discrétion le 6 janvier 2011. Situation rocambolesque, mais vraie. Voici une Banque centrale qui accepte de se ruiner pour sauver les banques privées et personne ne pipe mot à ce qui est, tous comptes faits, un détournement de fonds publics.

 

Additif du 5 septembre 2014

Dans son bulletin trimestriel du 14 mars 2014, la Banque d'Angleterre (BoE) nous conforte dans nos conclusions.

Il est dit en effet à la page 15 :

Two misconceptions about money creation

The vast majority of money held by the public takes the form of bank deposits. But where the stock of bank deposits comes from is often misunderstood. One common misconception is that banks act simply as intermediaries, lending out the deposits that savers place with them. In this view deposits are typically ‘created’ by the saving decisions of households, and banks then ‘lend out’ those existing deposits to borrowers, for example to companies looking to finance investment or individuals wanting to purchase houses. In fact, when households choose to save more money in bank accounts, those deposits come simply at the expense of deposits that would have otherwise gone to companies in payment for goods and services. Saving does not by itself increase the deposits or ‘funds available’ for banks to lend.
Indeed, viewing banks simply as intermediaries ignores the fact that, in reality in the modern economy, commercial banks are the creators of deposit money. This article explains how, rather than banks lending out deposits that are placed with them, the act of lending creates deposits — the reverse of the sequence typically described in textbooks.(3)

 Another common misconception is that the central bank determines the quantity of loans and deposits in the economy by controlling the quantity of central bank money — the so-called ‘money multiplier’ approach. In that view, central banks implement monetary policy by choosing a quantity of reserves. And, because there is assumed to be a constant ratio of broad money to base money, these reserves are then ‘multiplied up’ to a much greater change in bank loans and deposits. For the theory to hold, the amount of reserves must be a binding constraint on lending, and the central bank must directly determine the amount of reserves.

While the money multiplier theory can be a useful way of introducing money and banking in economic textbooks, it is not an accurate description of how money is created in reality. Rather than controlling the quantity of reserves, central banks today typically implement monetary policy by setting the price of reserves — that is, interest rates. In reality, neither are reserves a binding constraint on lending, nor does the central bank fix the amount of reserves that are available. As with the relationship between deposits and loans, the relationship between reserves and loans typically operates in the reverse way to that described in some economics textbooks. Banks first decide how much to lend depending on the profitable lending opportunities available to them — which will, crucially, depend on the interest rate set by the Bank of England. It is these lending decisions that determine how many bank deposits are created by the banking system. The amount of bank deposits in turn influences how much central bank money banks want to hold in reserve (to meet withdrawals by the public, make payments to other banks, or meet regulatory liquidity requirements), which is then, in normal times, supplied on demand by the Bank of England. The rest of this article discusses these practices in more detail.

Nous ne savons pas si cette information a été diffusée sciemment ou non, mais elle constitue un terrible aveu d'impuissance des Banques centrales à maitriser la monnaie.

Pour plus de détails voir les pages "Les révélations de la Banque d'Angleterre : un aveu d'impuissance"

 

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