Monnaie d’endettement et monnaie permanente

 

A - La monnaie d’endettement et les intérêts manquants

Entre amis d'un groupe intéressé par la monnaie, nous avons ouvert un débat sur les intérêts manquants.

La question de fond, que nous avons posée, est la suivante : dans un système où la monnaie est issue de l'endettement, comment peut-on rembourser 105 pour 100 empruntés et 5 d'intérêts.

On peut donner comme principe :

Il y a une totale impossibilité pratique (et aussi théorique) à rembourser un prêt - et ses intérêts - obtenu par création monétaire sans une nouvelle émission monétaire.

Voici les conclusions auxquelles nous sommes parvenus.

Le principe même de la monnaie-dette, c'est que s'il n'y a plus de dettes alors il n'y a plus de monnaie, et toute l'économie marchande s'arrête. C'est déjà une situation ubuesque.

Et d'ajouter que :

S'il n’y a plus de dettes, il n’y a plus de monnaie, mais aussi que s'il n’y a plus de monnaie, il y a encore des dettes, parce qu'il n'y a pas que les banques qui prêtent de l'argent, la même monnaie étant prêtée plusieurs fois.

Il faut savoir en outre que les banques sont généralement destructrices nettes de monnaie, notamment en raison de leurs réserves et bénéfices non distribués.

Dans le but d'apporter un bon éclairage sur le sujet traité, il paraît utile de donner ou de rappeler quelques informations et précisions techniques concernant la création monétaire et l'épargne bancaire.

1 - Création monétaire

Les banques créent une monnaie dite secondaire (par opposition à la monnaie centrale créée par la Banque centrale). Il est rappelé que cette monnaie n'a cours qu'entre agents non bancaires (ANB) et ne peut être que scripturale. Elle est créée par :

- le crédit consenti aux ANB,

- l’achat de devises étrangères,

- l’activité propre des banques, si la somme de leurs actifs propres est supérieure à celle de leurs passifs propres,

La destruction s’opère à l’inverse, quand les crédits sont remboursés, quand les devises sont cédées ou revendues et enfin quand les actifs propres sont inférieurs aux passifs propres.

Elle obéit à une règle générale que l’on peut énoncer comme suit :

Toute augmentation de l'actif, toute dépense et toute diminution du passif de ces banques se traduisent nécessairement par une création monétaire, tandis que toute augmentation de leur passif, toute recette et toute diminution de leur actif, se traduisent symétriquement par une destruction monétaire. Car, ces opérations se font ou se défont par l'inscription, dans un sens ou dans l'autre, directement ou indirectement, aux comptes de dépôt à vue (DAV) des agents non bancaires (ANB) - dont font partie les établissements financiers - dans les banques.

En termes plus simples, et notamment, la banque monétise ses acquisitions de biens, ses dépenses ou ses pertes, et démonétise ses cessions de biens, ses recettes ou ses profits.

A titre d'exemple, la banque crée la monnaie quand elle verse les salaires de son personnel directement sur leur compte ouvert dans ses livres ; de même et inversement elle la détruit quand elle débite directement le compte courant de ses clients des agios, intérêts et commissions de toutes sortes qu’elle leur facture.

Les intérêts des emprunts versés aux banques ont pour effet de réduire la masse monétaire.

Il n'existe, semble-t-il, aucune information relative aux comptes consolidés de l'ensemble des seules banques de dépôts, si bien qu'il est difficile de se prononcer sur les effets de l'activité bancaire sur l'émission.

2 - Epargne bancaire

Contrairement à une idée répandue comme une certitude - que les autorités monétaires (ne pouvant l'ignorer) se gardent bien de réfuter - les banques ne prêtent pas l'argent de leurs clients :

- d'abord pour une raison technique : pour créer la monnaie, la banque enregistre une créance - à l'actif de son bilan - et constate une dette - au passif de son bilan - alimentant ainsi en monnaie nouvelle un compte de dépôt à vue (DAV) ; il s'agit alors de monnaie circulante. Tous les DAV pris ensemble alimentent à leur tour des comptes d'épargne ou de dépôt à terme (DAT) quand les clients décident d'épargner par virement d'un DAV à un DAT. La monnaie passe ainsi des comptes de circulation monétaire à des comptes de réserve monétaire. Ce sont les parkings monétaires.

- ensuite, parce qu'elles n'en n'ont nul besoin puisqu'elles créent la monnaie selon leurs besoins (voir la règle citée au-dessus).

La définition, a minima, des réserves d'épargne (DAT) correspond à la masse M2 sous déduction de M1. Pour la France en décembre 2010, la Banque de France nous annonce 652,2 mds€ (1.364,7-712,5). Ce qui est supérieur aux DAV à la même date : 555,1 mds€. Il faudrait ajouter les DAT à plus de 2 ans, non compris dans la mesure des masses monétaires.

Pourquoi n'y aurait-il pas une épargne scripturale non utilisée, comme autrefois il existait de l'argent placé sous le matelas ou dans des lessiveuses ? L'avantage de la monnaie scripturale est qu'elle est enregistrée, donc connue avec la précision qu'offre la comptabilité. Si elle ne l’est pas, c’est que les autorités ne veulent pas en entendre parler ; elles n’aiment pas la précision qui pourrait les embarrasser.

Si nous parlons d'épargne, c'est parce qu'elle a une incidence considérable sur la marche de l'activité de production par ses effets de frein, si elle n'est pas compensée par de nouveaux crédits accordés aux ANB (cf. loi macroéconomique).

3 - Synthèse et conclusions

La monnaie émise repose essentiellement sur une dette accordée par le système bancaire, augmentée ou diminuée par l'activité propre des banques.

Les intérêts versés aux banques viennent en diminution de la masse émise, ce qui signifie qu’ils sont manquants deux fois. Une première fois en pratique et une deuxième fois en raison des spécificités de l’activité bancaire dans l'hypothèse où les intérêts perçus seraient égaux aux bénéfices de la banque.

En conclusion, il y a donc une totale impossibilité pratique (et aussi théorique) à rembourser les prêts obtenus par création monétaire sans une nouvelle émission monétaire du montant du prêt augmentée des intérêts.

En outre, facteur aggravant, l’activité des banques est destructrice de monnaie lorsqu’elle est bénéficiaire (cas général), ce qui alimente les réserves (bénéfices non distribués) sans oublier les provisions ; monnaie qui manque évidemment à tout le monde ensuite, sauf endettement supplémentaire.

Enfin, pour que la dynamique économique ne soit pas ralentie par les effets de frein de l'épargne mise en réserve (DAT), il faut de plus en plus de crédit pour autant qu'il y ait de plus en plus d'épargne bancaire.

Dans ces conditions l'équilibre de l'activité de production a une tendance toute naturelle à se perdre, en l'absence de régulation monétaire.

Nous sommes pris aujourd'hui dans l'étau monétaire de l'endettement, les taux d'intérêt s'amplifiant dangereusement nous conduisent inéluctablement au désastre. Le simple bon sens, et l'observation des faits, en ayant présent à l'esprit la règle monétaire visée ci-dessus, permet de le comprendre.

Les USA et la Grande Bretagne, notamment, souffrent des mêmes maux que l'Europe, à un moindre degré si l'on tient compte de la fraction de la dette souveraine détenue par leur banque centrale. Ce n'est pas le cas de la zone euro, totalement engagée dans le piège de Maastricht/Lisbonne, les Banques Centrales Nationales (BCN) ayant pour interdiction absolue de financer leur(s)Etat(s). Cette règle est transgressée allégrement sous la pression des événements nés de la monnaie d'endettement.

Personne semble-t-il ne s'interroge sur la provenance des fonds que l'on réclame d'urgence aux Chinois, par exemple. Ils proviennent des déséquilibres de nos balances commerciales, qu'ils soient européens ou américains. Autrement dit, il s'agit d'argent que nous (principalement les USA) leur avons versé et dont ils ne disposeraient pas si les balances étaient équilibrées.

On comprend maintenant les raisons pour lesquelles l'Italie va sombrer dans le chaos après la Grèce, non pas parce que son activité de production est mal orientée, mais parce qu'elle ne peut plus supporter le poids des intérêts d'une dette élevée, trop élevée parce que la troïka (BCE, FMI et Commission de Bruxelles) aux ordres du pouvoir monétaire en a décidé ainsi !

On comprend également pourquoi les Etats vont devoir vendre leurs biens les plus précieux aux vautours de la finance.

4 - Moyens à mettre en œuvre de toute urgence. Il en va de notre existence.

Procéder de toute urgence à la mise en place d'une monnaie dite permanente, sans intérêt ni échéance de remboursement, allouée à l'Etat par la Banque centrale sur décision des Assemblées Nationales. Cela permettrait de souffler immédiatement et de sauver nos économies du désastre qui se développe sous nos yeux horrifiés.

En Europe, dénonciation impérative des accords de Maastricht, question de vie ou de mort économique, pour adopter la même mesure. Et suppression de l'indépendance des Banques Centrales Nationales, qui défendent les intérêts de la corporation au mépris de ceux du peuple.

La politique actuelle a fait assez de dégâts comme cela pour la conserver.

 

B - La monnaie permanente pour une économie saine

Savez-vous que l'Etat tient toujours ses comptes comme ceux d'un épicier en recettes et dépenses ? Même si depuis la fin du siècle dernier des comptes de patrimoine ont vu le jour.

Le budget de l'Etat est un budget de trésorerie, mêlant indistinctement dans les recettes, celles qui concernent les taxes et impôts, les revenus de ses participations dans les entreprises publiques, les cessions de biens et les emprunts, et dans les dépenses celles qui concernent les dépenses de fonctionnement, les aides diverses et variées, les investissements, les intérêts des emprunts et les emprunts eux-mêmes.

Ce qui a comme première et absurde conséquence d'obliger l'Etat à emprunter pour accroître son patrimoine et à le revendre pour rembourser ! Sans parler des intérêts qu'il doit mettre à la charge de la population active en Europe pour que ses comptes soient équilibrés, puisque le traité de Maastricht en a décidé ainsi ! La deuxième conséquence tout aussi absurde qu'implacable est la cavalerie - ou roulement, terme plus lénifiant - des emprunts d'Etats.

C'est ainsi que la Grèce doit vendre son patrimoine pour rembourser ses dettes. Des dettes contractées pour une bonne part auprès de l’Allemagne et de la France pour acheter du matériel militaire !

Et la France, comme les autres pays de l’Euroland, creuse son déficit en empruntant pour prêter à la Grèce qui n'en finit pas de se ruiner.

L'absurdité d'un tel du système, bâti sur la monnaie d'endettement de l'Etat, devient de plus en plus flagrante.

Dans une entreprise industrielle et commerciale, les actionnaires  apportent des fonds (le capital) pour démarrer l'activité, puis empruntent pour la développer. Les emprunts sont remboursés grâce aux amortissements (récupérés sur la vente). Et les bénéfices dégagés servent à rémunérer le capital des actionnaires.

On  voit tout de suite le fossé qui sépare, en matière économique, l'Etat d'une entreprise industrielle et commerciale. L'Etat n'a jamais cherché à faire des profits sur le dos du peuple, que l'on sache ! On ne peut donc pas traiter sur le même plan les besoins de financement de l'un et de l'autre.

Les besoins financiers d'un pays doivent être divisés grosso modo en 3 groupes :

1 - les dépenses publiques de fonctionnement,

2 - les dépenses d'investissement,

3 - les besoins monétaire de la régulation économique nationale.

Les premiers doivent être couverts par les impôts et taxes ; quant aux deux autres, ils doivent être couverts par de la monnaie dite permanente, c'est-à-dire par de la monnaie émise par la Banque centrale et mise à la disposition du gouvernement sans intérêt ni échéance de remboursement sur décision du Parlement.

Ainsi, la création de monnaie permanente à destination exclusive de l'Etat, rendue possible en Europe par la dénonciation des accords de Maastricht, met fin à l'intervention des marchés financiers et des agences de notation sur une dette souveraine qui ne court plus aucun risque de défaut de paiement. Et pour cause, il n'y a plus de dette souveraine sur les marchés !

Et que l'on ne vienne pas nous parler d'inflation, et d'abord de laquelle ? Il y a bien longtemps que l'inflation monétaire n’a plus d'effet sur les prix dès lors que l'offre s'ajuste rapidement à la demande, ce qui est le cas dans nos pays développés. Les hausses de prix s'expliquent essentiellement par le comportement des agents qui ont le pouvoir d'agir sur les prix afin d'améliorer leur pouvoir d'achat. Ceci étant suffisant pour expliquer cela.

Ainsi, la Banque centrale fournirait exclusivement les besoins de l'Etat tandis que les banques privées fourniraient exclusivement ceux des agents non bancaires, y compris donc ceux des sociétés de crédit.

En conséquence, les agences de notation borneraient leurs notations aux entreprises privées et semi-publiques, ce qui n'aurait jamais dû être autrement.

La remise en vigueur de la monnaie permanente qui chasse la monnaie d'endettement (excès de crédits sur l'épargne) est bien l'alpha d'une remise en ordre financière publique pour le bien général.

Modifications apportées le 10 août 2015

 

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