La théorie monétariste de l'inflation

 

A - La définition

Pour bien comprendre les mécanismes économiques qui sont à l'origine de l'inflation, il faut commencer par savoir de quoi l'on parle. Aussi, convient-il de bien distinguer l'inflation monétaire - trop grande quantité de monnaie - et la hausse des prix, c'est-à-dire la cause et ses effets supposés, car si l'inflation monétaire peut avoir pour conséquence la hausse des prix, on est en droit de supposer que celle-ci n'a pas exclusivement pour origine l'inflation monétaire. Le terme d'inflation passé dans le langage commun, entretient tout naturellement la confusion.

On ne parlera pas ici des effets de l'inflation monétaire - bien réelle - sur le prix des actifs, puisque ceux-ci sont écartés du calcul de l'indice des prix ! Ainsi, la confusion a-t-elle réussi à semer le trouble dans les esprits. On se bornera donc aux conséquences de l'inflation monétaire sur l'activité de production, laquelle par un tour de passe-passe en a l'exclusivité.

Qu'il soit le fait de causes naturelles ou artificielles, tout déséquilibre macroéconomique pouvant exister entre l’offre et la demande est la seule cause d'inflation des prix par l’inflation monétaire.

Par déséquilibre entre l’offre et la demande, il faut entendre déséquilibre entre les moyens de production de l’offre et les moyens financiers de la demande.

En fait, la masse monétaire n’a aucune incidence sur les prix dès lors que l’offre fournit la demande, ce qui est le cas dans nos pays industrialisés où la structure et l'outil de production sont généralement bien adaptés à la demande courante et où l'ajustement entre les quantités demandées et les quantités offertes est rapide sinon quasi-instantané (produits agricoles et matières premières exceptés), en raison de l'existence même de puissants moyens de production et d'habitudes de consommation bien connues et maîtrisées.

C'est la rareté d'un produit qui fait son prix. La théorie semble l'oublier.

Dans nos sociétés modernes, la vraie cause de la hausse des prix se trouve plus simplement dans le comportement des entrepreneurs n’hésitant pas à modifier, qui les tarifs, qui les pancartes, qui les étiquettes pour faire leur profit et améliorer leur pouvoir d’achat.

Dans nos pays industrialisés, il y a bien longtemps qu'il n'y a plus d'inflation monétaire, d'autant plus que la sphère de l'activité de production manque de monnaie du fait de l'épargne bancaire qui est une épargne morte. Voilà résumé tout ce que la théorie monétariste de l'inflation est incapable de traduire parce qu'elle ne prend pas en compte la réalité.

Il s'est trouvé par le passé et il se trouve encore des situations économiques critiques dans lesquelles l'émission inconsidérée de signes monétaires produit, à coup sûr, la hausse des prix. Ce n'est pas une raison suffisante pour en faire une règle absolue.

L'effort de guerre démesuré est souvent la cause d'une situation de pénurie généralisée, et l'émission excessive de monnaie (moyen pour l'Etat de régler ses dépenses) a fatalement pour conséquence une hausse tout aussi excessive des prix. L'effort militaire est tel que la main d’œuvre et les produits de base font défaut pour assurer les besoins vitaux de la population. C'est le règne du rationnement et du marché noir.

Dans cette situation de pénurie généralisée, la structure de la production n'est pas adaptée à la demande : l’offre est incapable de répondre à la demande. L'ajustement entre les quantités demandées et les quantités offertes se fait par le surenchérissement des prix, seul moyen d'éliminer la demande excédentaire d'une population disposant d'une quantité de monnaie inconsidérément émise par l'Etat.

Il existe cependant, une situation spécifique dans laquelle l'appareil de production n'est plus en mesure de satisfaire la demande, et se comporte à peu près de la même manière qu'en situation de pénurie. C'est ce que l'on appelle la surchauffe, caractérisée par un emballement de l'appareil de production face à une demande trop forte. Dans ce cas, l'ajustement entre les quantités demandées et les quantités offertes ne peut s'établir que par le surenchérissement des prix, seul moyen ici aussi d'évacuer la demande excédentaire. On ne peut pas parler d'inflation monétaire, puisque c'est le dérèglement de l'appareil de production, dans un secteur spécifique, qui est à l'origine de l'événement.

Si cette situation de surchauffe semble présenter des effets sur les prix comparables à ceux de l'inflation monétaire en période de pénurie, elle en diffère pourtant par son étendue, car ici, les hausses de prix concernent les seuls produits nécessitant un ajustement de la demande par l'offre. Dans l'hypothèse où l'on serait amené à observer une généralisation des hausses à d'autres secteurs ou produits, ce serait vraisemblablement par effet de contagion sur le comportement des entrepreneurs.

Parce que ça les arrange, les autorités monétaires ont choisi une seule et unique cause de la hausse des prix : l'inflation monétaire qui s'appuie sur la théorie quantitative de la monnaie.

Mais elles furent fort dépourvues quand la crise fut venue, le jour où la lutte contre l’inflation se changea en lutte - ou plutôt en incantation - pour que l’inflation renaisse.

 

B - L'imposture

La théorie monétariste, d'application universelle, démontre que le niveau moyen des prix (P) est déterminé en fonction des transactions (T), de la masse monétaire (M) et de sa vitesse de circulation (V). Elle s'écrit comme suit :

MV = PT soit P = MV/T

• De quelle masse (M) s'agit-il ?, sachant que :

- M1 s'ajuste aux transactions T puisqu'il n'y a pas de transactions T hors M1 ; on en déduit que M1 est une variable de la masse monétaire émise,

- M2 est l'agrégat qui se rapproche le plus de la masse émise, la seule qui pourrait avoir une incidence sur les prix, mais elle contient l'épargne morte, gelée par le système,

- M3 n'a aucune signification car elle ne représente absolument pas la masse émise et en circulation ; depuis plusieurs années, la Fed ne publie plus cet agrégat, ce qui en dit long sur ce qui est encore le pilier de la politique monétaire en Europe et sur la capacité de la Banque Centrale à nous faire avaler des couleuvres !

• Qu'en est-il des transactions (T) ? :

Pourquoi de nombreuses transactions financières et monétaires sont-elles écartées du calcul de l'indice des prix ? C'est le cas notamment des transactions boursières et de celles portant sur les biens mobiliers et immobiliers d'occasion, celles qui alimentent les "bulles".

• Qu'en est-il des prix (P) ?

Pourquoi les prix (P) de la formule ne s'appliquent-ils qu'à une fraction conséquente mais incomplète des transactions (T) de la sphère réelle ? Les taxes et impôts directs, les cotisations sociales, l'équivalent des loyers pour les propriétaires de leur logement, les taux d'intérêt, notamment ne sont pas retenus. Toutes restrictions opérées dans le but inavoué de minimiser le taux d'inflation au profit de la croissance !

• Vitesse de circulation (V) :

La vitesse de circulation de la monnaie scripturale émise ne peut être mesurée qu'à partir de l'analyse des comptes qui la contiennent : les dépôts à vue (DAV) pour M1 et les dépôts d'épargne ou à terme (DAT) pour M2-M1, comme s'il s'agissait de stocks (taux de rotation). Il est tout de même difficile de considérer que la vitesse a changé quand le résultat observé a changé : V = P.T / M

Comment, dans ces conditions, prétendre qu'une quantité indéterminée de monnaie (M) est trop grande, quand le niveau des prix (P) d'une fraction seulement des transactions (T) s’élève, si une fraction conséquente quelconque de (M) ne circule pas du fait de l’épargne morte, tandis que la vitesse (V) est plus ou moins corrigée par les transactions (T) d’une sphère monétaire et financière écartées du calcul du niveau des prix ?

Comment peut-on accepter aussi facilement qu'en matière de calcul du taux de l'inflation, tout soit faussé, biaisé, manipulé ? Si l'on n'a jamais vraiment cherché à vérifier la théorie, c'est pour ne pas courir le risque d'ébranler le socle de la politique monétaire.

Ainsi donc, l'axe central de la politique monétaire des banques centrales est-il totalement faussé et l'inflation n'est-elle plus que le prétexte fallacieux d'une mise en scène destinée à tromper l'opinion et à masquer leur incapacité à maîtriser un système monétaire défaillant, dont elles se réclament de la responsabilité suprême !

Toutes les économies au monde sont paralysées par la peur de l’inflation au point d’en avoir perdu complètement la raison économique.

En agitant le spectre de l’inflation, les autorités monétaires ont réalisé l’exploit de contaminer le corps économique de la planète entière d’un mal que l’on peut qualifier de syndrome de l’inflation.

L'inflation est une des principales raisons avancées par les banques centrales pour limiter les hausses de salaires. Il faut bien préserver de la rentabilité des capitaux !

Voici ce que l'on peut lire dans le bulletin de la Banque de France du 1er trimestre 2010 :

Les évolutions salariales et la façon dont elles interagissent avec les variations de prix constituent un thème central pour la conduite des politiques économiques et notamment monétaire.

Ce qui veut dire en clair, que les augmentations de salaires sont admissibles si elles sont compensées par de gains de productivité (mesure anti-inflationniste). Quant aux effets néfastes de cette politique sur le chômage, la Banque centrale n'en a cure. Elle est là pour lutter contre l'inflation. C'est inscrit dans le marbre de ses statuts !

En "luttant" comme on le fait contre l'inflation on se trompe de cible, et le prix de l'erreur est le sacrifice de dizaines de millions d'êtres humains, de chômeurs, d'exclus et de miséreux. De nombreuses voix, pleines de bon sens, se sont élevées pour dire qu'il serait bon de laisser filer un peu d'inflation pour faire repartir la machine quand elle ralentit. L'aveuglement et l'entêtement à combattre l'inflation sont tels qu'ils ne sont même pas entendus.

Ceci était vrai il y a encore 7 ans, avant que la crise des subprimes (2007-2008) n’engendre la crise systémique monétaire et ne mette à mal - par voie de conséquence - les économies des pays avancés. Comment ne pas voir en effet une étroite corrélation entre les taux d’inflation et les taux de croissance qui n’ont cessé de se rapprocher de zéro dans un ensemble presque parfait ?

La lutte contre l’inflation a été abandonnée puisqu’il n’y a plus d’inflation !

Qu’à cela ne tienne. Voici ce que l’on peut lire dans les Echos du 21 novembre 2014 :

Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), a défendu ce vendredi le cours actuel de la politique monétaire destiné à combattre une inflation trop faible sur la durée.

Puisqu’il n’y a plus d’inflation, il faut lutter pour qu’elle revienne ! Mais, il n’a pas dit comment.

Dépourvu de moyens, il nous raconte des histoires. Son discours dépend de la direction que prennent les événements !

Les beaux-parleurs vivent toujours aux dépens de ceux qui les écoutent et ils sont nombreux.

L’imposture est le fait de ceux qui cherchent à dissimuler leur incompétence, incapables qu’ils sont d’exercer les responsabilités qui leur incombent.

 

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