La compensation et les règlements interbancaires

 

Il faut d'abord savoir que les transactions entre agents non bancaires (ANB) représentent chaque jour plusieurs dizaines de millions d'opérations, ce qui impose des traitements en compensation pour que leurs règlements soient menés à bonne fin.

Un chèque remis dans une banque qui détient les deux comptes d'une même transaction, donne lieu à un simple jeu d'écritures comptables. La monnaie ne quitte pas l'établissement. Si l'on a affaire à deux succursales d'une même banque, concernées par la transaction, il apparaît un problème de trésorerie de contrepartie monétaire entre elles ; il manque à l'une ce que l'autre a en excédent. Ce problème peut être réglé si nécessaire par un virement de fonds d'une succursale à l'autre. La monnaie ne quitte toujours pas l'établissement bancaire.

En présence de plusieurs banques, la différence est d'ordre juridique car la monnaie ici quitte l'établissement bancaire du donneur d'ordre.

Chaque transaction entre deux agents induit une dette de la banque qui reçoit les fonds envers celle qui les transmet. Il est heureux que celles-ci n'aient pas à procéder de la sorte pour chaque transaction, ceci en raison du fait qu'elles détiennent forcément des valeurs tirées les unes sur les autres.

Et, pour connaître entre elles l'incidence des opérations financières qu'impliquent toutes ces transactions, elles procèdent journellement à la compensation de ces valeurs (chèques, virements, avis de prélèvement, cartes de crédit, effets de commerce à échéance, etc..) tirées sur les banques concurrentes, émis par leurs clients. En pratique, elles passent par l'intermédiaire de systèmes de compensation très élaborés où l'électronique et la télétransmission règnent en maître.

Notons que seules les banques domiciliataires des transactions ont accès à la compensation. Ce sont donc les banques de dépôts.

Dans cette étude, au travers des filières de compensation et de règlement, on cherchera à suivre le cheminement de la monnaie secondaire, créée par les banques dans sa forme scripturale, et à mettre en évidence le fonctionnement des circuits qu'elle emprunte et les opérations de règlement qu'elle implique.

 

1 – Définition et principales caractéristiques de la compensation

Qu'est-ce que la compensation ?

• C'est tout d'abord le moyen pour les banques de connaître en détail et en valeur les ordres passés par leurs clients d'une banque à l'autre, afin de porter à leurs comptes respectifs les transactions correspondantes.

En règle générale pour une même opération, il y a toujours deux banques en présence : la banque du tireur et celle du tiré, ce qui permet de dire que :

La compensation est un système binaire

Quand le tireur et le tiré sont domiciliés à la même banque, il convient de noter que les transactions correspondantes échappent à la compensation car elles sont traitées en mode interne.

• C'est ensuite le moyen pour les trésoriers de banque de connaître et de régler leurs positions, soit entre elles de gré à gré, soit les unes envers les autres sur le marché interbancaire. Etant bien précisé que les positions débitrices des unes sont égales aux positions créditrices des autres. C'est une des caractéristiques du système binaire de la compensation que les experts semblent ignorer et qui induit :

"L'égalité de l'offre et de la demande sur le marché interbancaire

(à ne pas confondre avec le marché monétaire ouvert à des agents non bancaires)

Ce qui veut dire qu'il ne s'agit pas d'un marché au vrai sens du terme et qui plus est, ainsi qu'on le verra, un marché sans monnaie sinon de compte.

La compensation recouvre trois groupes d’opérations que l’on peut distinguer comme suit :

a) celles qui concernent les transactions entre agents non bancaires effectuées à l’aide d’un support payable dans une banque,

soit pour chaque transaction, deux banques agissant pour le compte de leur client, sans création de monnaie secondaire, puisqu'il s'agit simplement de transférer une somme d'un compte de dépôt à vue (DAV) à un autre compte de dépôt à vue (DAV), d'une banque à une autre,

b) celles qui se rapportent à des transactions faites entre une banque et un agent non bancaire ayant un compte dans une autre banque,

soit deux banques dont une agissant pour le compte de son client et l’autre pour propre compte, avec création ou destruction monétaire selon le sens,

c) celles qui concernent des ordres passés par une banque en faveur d’une autre banque, sans relation avec des agents non bancaires,

soit deux banques agissant chacune pour compte propre, sans monnaie sinon de compte, puisqu'il s’agit en l’occurrence de constater ce que l’une doit à l’autre.

La compensation recouvre en outre celles qui impliquent le Trésor Public, quand celui-ci procède à des transactions avec des agents non bancaires (encaissement des taxes et impôts et paiement à ses fournisseurs, par exemple). Ce dernier groupe d'opérations  nécessite un règlement en monnaie centrale, car elles s’opèrent nécessairement entre les banques et le Trésor à leurs comptes ouverts à l’Institut d’émission.

Ce cas mis à part, il y a donc nécessairement deux banques qui agissent, chacune d’elles pour le compte d’un client, l’une ou l’autre ou l’une et l’autre pour compte propre, avec pour principale caractéristique de mettre à tout instant et quoi qu’il arrive deux banques face à face, l’une débitrice envers l’autre créditrice.

La compensation est une fonction essentielle et indispensable dans le traitement des transactions interbancaires que le pouvoir monétaire semble bien vouloir dissimuler à la connaissance publique en rendant encore plus hermétiques les systèmes de traitement des données, comme il est dit ci-après.

 

2 – Evolution des systèmes et disparition programmée de la compensation des transactions de gros montants

Autrefois en France, et ailleurs probablement, la compensation s’appliquait presque exclusivement aux transactions des agents non bancaires et les banques s’acquittaient de leurs dettes propres par chèque ou virement tiré sur leur compte à la Banque de France.

Ainsi par exemple, quand une banque X devait régler une dette à un de ses fournisseurs disposant d’un compte ouvert à la banque Y, elle remettait à celui-ci un chèque tiré sur la Banque de France. Déposé à ses guichets, la banque Y remettait alors le chèque à l’encaissement à l’Institut d’émission qui créditait celle-ci par le débit de l’autre. Il s'ensuivait alors nécessairement un règlement en monnaie centrale d'une banque à l'autre.

Ceci jusqu’à ce que dans les années 80 les banques donnent des consignes à leurs trésoriers de remplacer au maximum les chèques tirés sur la Banque de France par des chèques tirés sur elles-mêmes.

Et puis, avec la réglementation bancaire de janvier 1984, l’appareil bancaire a évolué. Il a dû s’adapter à la libéralisation totale des marchés financiers, et à l’instauration et au développement de nouveaux instruments qui en furent la conséquence. Il fallait bien mettre en place des outils qui pouvaient combattre les effets nocifs des variations désordonnées, qu'apportait avec elle la libéralisation des échanges dans les domaines des changes et des taux d’intérêt. Les produits dérivés étaient nés.

C’est alors que les banques en ont profité pour modifier progressivement certaines de leurs pratiques. Elles ont bien compris qu’elles pouvaient s’appuyer sur les systèmes de compensation pour régler leurs dettes propres et échapper dans une certaine mesure à l’emprise du pouvoir de l'autorité centrale qui les a laissé faire.

De profondes réformes des systèmes de compensation ont eu lieu en France en 1999, à l’approche du passage à la monnaie unique. Puis, avec la dématérialisation des chèques, la compensation traditionnelle a totalement disparu, pour céder la place à des systèmes de télé-compensation entièrement automatisés. Enfin, l'Union Monétaire Européenne a nécessité la mise en place de nouveaux systèmes de traitement pour faciliter les transferts interbancaires européens. Il semble bien que la Banque centrale ait profité de la circonstance pour rendre encore plus impénétrables les systèmes de télé-compensation : PNS et SIT (voir plus bas) dans leur organisation, le vocabulaire et les informations les concernant.

C'est ainsi que le 15 février 2008 le PNS a été absorbé par Target2-Banque de France, tandis que le SIT a été remplacé par CORE à la fin du mois d'octobre 2008. Et, malgré l'absorption de PNS, il n'est plus question de compensation dans Target2 !

On pourra bientôt circuler, il n'y aura plus rien à voir !

 

3 – Les systèmes de compensation

Comme déjà indiqué, la compensation est une fonction essentielle et indispensable du traitement des transactions interbancaires. Elle continuera à s'exercer en grande partie "sous le manteau". Mais personne ne saura comment, puisqu'il n'existera plus guère d'information à son sujet.

Il existait en France, hier encore, 2 systèmes de télé-compensation qui fonctionnaient tous deux en règlements nets, c’est-à-dire compensés :

a) le Système Interbancaire de Télé-compensation (SIT) réservé aux opérations d’un montant unitaire inférieur à 800 mille euros (en vigueur en 2006), soit l'unique système des paiements de masse, (environ 50 millions d'opérations par jour, en 2007),

il traite le plus grand nombre de transactions et opère à heures fixes ; les positions nettes réciproques sont alors connues et donnent lieu à des règlements bilatéraux (de banque à banque) de gré à gré, dans le cadre de limites d’expositions bilatérales dont les banques ont elles-mêmes convenues ; elles règlent donc deux par deux leurs positions, la banque créditrice consentant un prêt (généralement en blanc = sans garantie) à la banque débitrice,

b) et le Paris Net Système (PNS) réservé aux opérations d’un montant supérieur, (environ 25 mille opérations par jour, en 2007)

il opère en continu, on dit aussi au fil de l’eau. Il est géré par la Centrale des Règlements Interbancaires (CRI) qui communique aux banques leurs positions nettes ; ce sont ces positions qui doivent être couvertes, lorsqu’elles sont débitrices, par une provision en compte à la Banque de France, où elles s’inscrivent automatiquement aux comptes des titulaires (banques). Des avances intra-journalières sont accordées à cet effet par la Super-banque.

Les positions nettes respectives sont réglées sur le marché interbancaire par des transactions multilatérales. A la différence du SIT, les positions ne sont pas réglées banque par banque, mais par l'intermédiaire de courtiers autorisés à rapprocher sur le marché interbancaire les banques en position débitrice et les banques en position créditrice. Les banques emprunteuses doivent remettre des titres dits éligibles – dont les plus sûrs sont (étaient) les titres souverains - en garantie à leurs consœurs prêteuses.

Ouvrons ici une parenthèse.

Sans garanties les banques créditrices ne prêtent plus, c'est pourquoi l'affaire des "subprimes" est à l'origine de graves perturbations sur le marché interbancaire et du même coup de la crise du système lui-même, bien que cela n'ait pas été divulgué.

Tout allait très bien jusqu'à ce que survienne la crise due à cette affaire. C'est qu'en effet, la titrisation des prêts hypothécaires aux Etats-Unis par les banques américaines a disséminé les risques de défaut de paiement dans tous les titres émis et dans le monde entier. A l'éclatement de la bulle immobilière (automne 2007), ces titres qui étaient encore acceptés en garantie la veille, ont été refusé par les banques prêteuses en raison du risque de dépréciation qui leur était attaché.

C'est le premier choc systémique de l'ensemble bancaire national et international causé par le dérèglement des marchés interbancaires.

Voici ce que l'on pouvait lire dans la presse française en mars 2008 :

La Banque centrale américaine tente par tous les moyens d’inciter les banques à se prêter entre elles. Le moyen annoncé serait d’apporter jusqu’à 200 milliards de dollars de titres du Trésor américain (de la bonne monnaie) à un nombre limité de banques, en contrepartie de titres totalement illiquides aujourd’hui (la mauvaise monnaie).

C'est bien la preuve flagrante que les banques n'échangent pas entre elles de la monnaie centrale. Car, si tel avait été le cas, les banques emprunteuses n'auraient eu aucun besoin de fournir des garanties à leurs consœurs prêteuses.

Les banques américaines les premières se sont tournées vers la Fed, qui leur a échangé pendant les premiers mois des titres sains (bons du Trésor) contre les titres "toxiques" qu'elles possédaient, leur permettant alors d'accorder la garantie demandée par les prêteuses.

Cette opération a eu une portée considérable : les banques en difficulté ont pu non seulement se financer, mais aussi et surtout échapper aux contraintes du ratio Cooke, évitant ainsi de faire appel à leurs actionnaires, dans les limites des valeurs transférées évidemment.

Et puis, peu de temps après, la Fed, ayant épuisé ou presque les titres du Trésor qu'elle possédait, a dû émettre de la monnaie pour faire face à la demande des banques, le marché interbancaire ne pouvant plus fonctionner normalement et devenant de plus en plus sinistré.

Les banques centrales du monde entier ont suivi et des centaines de milliards de monnaie centrale ont été déversés pour soutenir les systèmes défaillants, tous exposés alors au risque systémique.

Pour faire bonne mesure, en Europe principalement, les titres souverains, qui bénéficiaient jusqu'alors de la meilleure note AAA, sont dorénavant refusés en garantie des prêts sur les marchés interbancaires en raison des risques de défaut de paiement relevés par les agences de notation.

C’est le deuxième choc systémique qui produit toujours ses effets, en 2013 et que l'on n'est pas en mesure de neutraliser avant longtemps.

L'absurdité du système de la compensation, tel qu'il est organisé, réside dans le fait que précisément le marché interbancaire sert à financer les déplacements d'une banque à l'autre de la monnaie d'endettement accordée à l'économie par le système bancaire ! Rappelons que la créance reste à l'actif du bilan de la banque qui a accordé un prêt jusqu'à son remboursement intégral, tandis que la monnaie va de banque en banque au gré des échanges entre les agents non bancaires.

Mais, reprenons le cours de notre exposé.

Le vocabulaire employé par l'autorité monétaire entretient soigneusement la confusion dans les esprits. Par système de règlement, exposé comme étant destiné au traitement des ordres passés par la clientèle des banques, il faut entendre en réalité la transmission des informations détaillées aux banques concernées. Ce qui était clairement indiqué pour le SIT (tout autant que dans CORE aujourd'hui) ne l'était pas du tout pour le PNS, bien au contraire.

En effet, on relève dans la documentation de la Banque de France à propos du SIT (Bulletin du mois de novembre 2002) :

Le SIT est constitué d'un réseau de télétransmission décentralisé permettant un échange en continu, directement entre les centres informatiques des banques. A cette fonction d'échanges des ordres de paiement, s'ajoute une fonction de compensation multilatérale des règlements interbancaires.

Contrairement à ce que nous dit la Banque de France, la fonction de compensation est ici bilatérale, (cf. 4.1 ci-dessous).

Tandis que le bulletin du mois de novembre 1999, à propos du PNS, précise :

Le système PNS est un système à règlement net irrévocable en temps réel géré par la Centrale des Règlements Interbancaires (CRI).

Les deux systèmes servaient donc, avant tout, de véhicules d'informations, mais aussi au rejet des ordres passés sans provision par les agents non bancaires (ANB).

La transmission des opérations interbancaires ne saurait être considérée comme le transfert effectif des règlements ainsi que s'emploie à le faire croire la Banque centrale. Ce n'est pas la Banque de France qui débite et crédite les comptes de la clientèle. Ce sont les banques concernées par les transactions qui actent les règlements échangées en monnaie secondaire. La Banque centrale ne fait que constater les dettes et créances des banques les unes envers les autres, autrement dit leurs positions respectives.

Comment une somme, en monnaie bancaire, transférée d'un compte dans une banque au profit d'un compte dans une autre banque pourrait-elle se changer tout à coup en monnaie centrale ? Par quel tour de passe-passe ou par quel coup de baguette magique ? L'enregistrement obligatoire des transactions aux comptes des banques à la Banque de France ne suffit pas à lui changer son statut de monnaie secondaire.

On a vu que le règlement des positions interbancaires ne s'acquitte pas en monnaie centrale comme le répète inlassablement l'autorité monétaire. Une preuve supplémentaire peut être apportée par les écritures comptables : les opérations de règlements réciproques pourraient très bien être comptabilisées en dehors de la Banque de France, sans aucune altération possible puisqu'elles ne font que constater des transactions effectives auxquelles la Banque de France ne participe pas.

Le processus de la compensation, proprement dite, qui s'achève à ce niveau du traitement, ne fait donc que constater à la Banque de France les positions nettes débitrices et créditrices des banques les unes envers les autres. Mais,

l'opération de compensation dans son ensemble ne peut pas être achevée tant que les positions ne sont pas soldées.

L'inscription des positions des banques à leur compte à l'Institut a une conséquence juridique importante et semble-t-il ignorée : celle de les engager vis-à-vis de l'autorité monétaire et non les unes envers les autres comme c'est toujours le cas. En pratique, les banques s'exonèrent de cette obligation envers la Banque centrale, qui ne pipe mot.

Les banques en position débitrice devraient se procurer la monnaie centrale sur le marché qui leur est réservé : l'open market, afin de la faire virer par la Super-banque à leurs concurrentes créditrices. Celles-ci disposeraient alors de monnaie centrale qu'elles utiliseraient à leur gré pour opérer des reprises de titres en pension, des cessions de liquidités à la Banque centrale, etc. On pourrait alors parler, à bon escient, de transactions en monnaie centrale sur le marché interbancaire, comme le prétend la Banque de France.

Mais, si tel était le cas, le marché interbancaire ne servirait plus à rien !

C’est bien ce qui se passe à des degrés divers depuis le début de la crise systémique.

Les systèmes de compensation permettent donc de connaître les positions des banques entre elles. Comme cela a été dit plus haut, ils permettent en outre de connaître les positions des banques vis-à-vis du Trésor à la Banque centrale, mais dans ce cas, ce n'est plus le marché interbancaire qui est sollicité si nécessaire, mais l'open market.

 

4 - Le marché interbancaire

Comme son nom l’indique, le marché interbancaire est un marché monétaire réservé aux seules banques de dépôt. Son existence dépend essentiellement de la compensation des transactions des ANB. Sans la compensation, le marché interbancaire n'existerait pas. Mais la compensation peut exister sans le marché interbancaire, fort heureusement. On y reviendra.

La discrétion de la Banque de France à propos de ce marché et de ses liaisons graphiques avec les systèmes de compensation est pour le moins surprenante, sinon coupable. Si l'on cherche des informations relative à ce marché sur le site de la Banque de France, voici ce que l'on trouve :

Le marché interbancaire est dominé par les opérations « au jour le jour », dont le taux de référence, représentatif des échanges quotidiens effectués dans l'ensemble de la zone euro, est l'EONIA – ou TEMPE (taux euro moyen pondéré de la zone euro au jour le jour). Calculé par l'Eurosystème, l'EONIA est publié quotidiennement par la Fédération Bancaire Européenne à partir d'un panel représentatif de 57 banques. S'agissant d'opérations de prêt en blanc (sans garantie) traitées de gré à gré entre établissements de crédit, il est difficile de mesurer la profondeur exacte du marché interbancaire. Néanmoins les déclarations quotidiennes des volumes et taux journaliers des 57 banques de référence du panel européen offrent un indicateur de volumétrie représentatif. Ainsi, sur le premier semestre 1999, le volume total des prêts en blanc effectués au jour le jour sur le marché interbancaire par les établissements du « panel EONIA » s'est élevé à 45,9 Mds € en moyenne quotidienne pour l'ensemble de la zone, dont 19,2 Mds € pour la Place de Paris (soit 42% des échanges de la zone).

Outre les opérations en blanc, les transactions interbancaires s'effectuent aussi, de manière croissante, sous forme de pension livrée.

La Banque de France s'applique encore une fois à mêler, ici, deux marchés qui ont des particularités différentes que l'on ne peut ignorer. Les opérations en blanc, eu égard aux montants traités, relèvent du seul marché de gré à gré (SIT), tandis que les transactions sous forme de pension livrée s'appliquent au PNS, puisque les prêteurs exigent des garanties, ce qui n'est pas le cas avec le SIT (opérations en blanc).

Il est, de plus, étonnant de constater que le marché interbancaire ne figure sur aucun des nombreux schémas de systèmes de paiement : SIT, PNS et TBF.

En réalité, le marché interbancaire succède aux opérations de compensation et il ne peut en être autrement, puisqu'il a pour objet le règlement des positions interbancaires qui en découlent. Il comprend le marché de gré à gré (SIT, aujourd'hui Core) et le marché interbancaire proprement dit (PNS), dont on ne parle plus depuis qu'il a été absorbé par Target2. Ce qui ajoute à la confusion.

Circonscrit à ces seules transactions, comme on l'a dit, ces deux marchés (un seul pour la super banque) ont pour principale caractéristique l’égalité existant entre les positions débitrices et les positions créditrices.

Cette définition n’est pas en contradiction avec la position officielle. Voici en effet ce qu’écrivait la Banque de France en novembre 1987 :

A l’origine, le marché monétaire est né en France comme à l’étranger, sous l’impulsion des banques désireuses de compenser entre elles leurs excédents et déficits de trésorerie.

Voici, de plus, ce qu’elle écrivait en 1978 :

Simple marché de « répartition » sur lequel aucune quantité additionnelle de monnaie centrale ne peut être créée, le marché interbancaire a pour fonction d’assurer l’adéquation entre les excédents et les déficits des établissements habilités à y participer par décision du Conseil National du Crédit.

Si aucune quantité additionnelle de monnaie centrale ne peut être créée, rien ne s’oppose à dire que sur ce marché les banques compensent entre elles leurs excédents et déficits de trésorerie, sans monnaie centrale.

Pourtant, le pouvoir monétaire refuse d’admettre qu'il en est ainsi. On pouvait lire, en effet, dans les notes d’informations de l’Institut d’émission (1978):

…les règlements interbancaires s’effectuent en monnaie centrale, c’est-à-dire à l’aide d’un instrument de paiement dont la création est réservée à la Banque de France.

On peut supposer qu’avec l’introduction de la monnaie unique, cette position n’a pas changé et sans doute même a été étendue à l’ensemble des Banques centrales de l’Euroland.

Pour qu'il y ait véritablement échange de monnaie centrale, il faudrait que les banques débitrices se procurent sur l'open market, à défaut d'en disposer, la monnaie centrale qu'elles remettraient à leurs concurrentes créditrices. Ce qui n'est pas le cas.

Il ne fait aucun doute que le marché interbancaire n'est pas un marché monétaire, au vrai sens de ce terme, pour deux raisons fondamentales : la première par principe l'offre étant égale à la demande, la deuxième en pratique n'ayant pas de monnaie échangée sur ce marché. C'est ce qu'à révélé l'affaire des subprimes.

Mais, il fallait bien dissimuler à l'opinion l’existence de pratiques bancaires contraires aux méthodes juridiques et comptables des règlements de compensation. Les banques règlent leurs positions entre elles alors qu’elles devraient les régler par l’intermédiaire de la Banque centrale, puisque ces positions sont enregistrées dans les comptes de celle-ci.

Elle n'hésite pourtant pas à prétendre que les règlements interbancaires s’effectuent en monnaie centrale, c’est-à-dire à l’aide d’un instrument de paiement dont la création est réservée à la Banque de France !

Ajoutons aussi que ces opérations pourraient très bien être enregistrées entre banques sans passer par la Banque centrale, ce qui prouve bien le caractère illusoire et trompeur de la mesure (voir plus bas).

L’Institut d’émission refuse donc d’admettre une réalité gênante pour son autorité.

Sur le marché interbancaire les banques compensent entre elles leurs excédents et déficits de trésorerie, sans monnaie centrale.

Elles se prêtent entre elles.

Voyons à présent ce qu'il en est des règlements interbancaires à l'issue de la compensation. Pour cela, reprenons nos deux systèmes de télé-compensation et voyons comment ils fonctionnaient, et comment vraisemblablement ils continueront à fonctionner :

4.1 - Le marché de gré à gré

Le SIT (aujourd'hui Core), comme il a été dit, traite le plus grand nombre de transactions ; il opère par catégorie et tranche horaire.

Voici ce que dit la Banque de France, à propos de ce marché, dans son bulletin de novembre 2002 :

Les échanges entre participants directs sont bilatéraux, puis plus loin, à cette fonction d'échanges des ordres de paiement s'ajoute une fonction de compensation multilatérale des règlements interbancaires. Sont visés ici la compensation des ordres de paiement mais aussi les règlements de gré à gré, qui ne peuvent être que bilatéraux ! mais la Super banque n'en a cure, puisqu'elle veut absolument nous faire croire que les règlements s'opèrent en monnaie centrale.

Pour que les règlements s'effectuent de gré à gré, chaque banque doit connaître la position qu'elle a vis-à-vis d'une autre banque. C'est la fonction du SIT. Pour que les règlements soient multilatéraux, il faut qu'il y ait un courtier qui rapproche les banques en position débitrice de celles qui sont en position créditrice. C'est la fonction du PNS.

En fait, dès que les positions nettes respectives sont connues, elles donnent lieu à des règlements de gré à gré, c'est-à-dire bilatéraux (de banque à banque) ; les banques règlent donc deux par deux leurs positions, la banque créditrice consentant une avance à la banque débitrice, généralement au jour le jour, en blanc c'est-à-dire sans garantie.

Ainsi se trouvent soldés les comptes des différentes banques à la Banque de France en dehors d'elle, et pourtant le paragraphe 2.2.3 du bulletin déjà cité, annonce en titre :

"Un règlement en monnaie centrale dans TBF"

et précise :

"L’ensemble des soldes des participants du SIT doivent être imputés simultanément sur les comptes centraux de règlement des participants directs dans les livres de la Banque de France. Dès leur comptabilisation dans le système TBF, ils sont irrévocables et inconditionnels, de sorte que la finalité des paiements est assurée."

Tout ceci, vraisemblablement, pour rassurer l'opinion sur la solidité des banques et des systèmes de règlement. Ce qui est assez cocasse maintenant que nous sommes en pleine crise systémique !

4.2 - Le marché interbancaire multilatéral

Le PNS (aujourd'hui intégré dans Target2 Banque de France) opère en continu, on dit aussi au fil de l’eau.

Voici ce que dit notamment la Banque de France dans son bulletin de novembre 1999 à propos du PNS :

Le système PNS, en revanche, fonctionne par l’imputation des opérations en continu sur des comptes approvisionnés en monnaie de banque centrale qui doivent être maintenus créditeurs ; de ce fait, le maintien d’un pool de collatéral n’est pas nécessaire pour sécuriser le système. Des limites bilatérales en émission, librement modifiables en cours de journée, permettent le contrôle des risques d’exposition.

La liaison entre les systèmes TBF et PNS apporte aux participants de PNS une mobilité permanente de leur liquidité en fonction de leurs besoins de trésorerie : chaque participant réalise généralement un apport initial de liquidité dans PNS en début de journée, puis a la possibilité de réaliser des apports complémentaires ou des transferts vers TBF en fonction de la nature de ses échanges. À la clôture, PNS se déverse dans TBF, où chaque participant reçoit le reliquat de la liquidité qu’il avait dans PNS ; les soldes déversés sont structurellement créditeurs.

Comme il est dit ci-dessus, les banques doivent disposer de monnaie (banque) centrale pour couvrir à tout moment leurs positions nettes débitrices. Des avances "intra-journalières" leur sont accordées à cette fin, si nécessaire, par la Super-banque. Elles ne servent à rien d'autre qu'à respecter la forme, les banques ne pouvant pas être à découvert. Cela ne ferait pas très sérieux !

A la différence du SIT, les positions nettes respectives sont réglées ici sur le marché interbancaire par des transactions multilatérales. Mais, comme à l’issue de la compensation la somme des positions débitrices est nécessairement égale à la somme des positions créditrices, l’offre de monnaie sur le marché interbancaire est égale à la demande. Grâce à des courtiers intermédiaires, elles connaissent et peuvent régler entre elles leurs positions, les banques créditrices accordant des prêts aux banques débitrices.

Il ne faut donc pas s'étonner de constater que chaque participant reçoive comme reliquat de liquidité, les avances intra-journalières qui lui ont été accordées, et que les soldes déversés sont structurellement créditeurs ! C'est rassurant de le dire à l'intention de ceux qui n'y connaissent rien ! En dernière analyse, les avances intra-journalières n'ont servi à rien (elles sont remboursées – reliquat de liquidité - en fin de journée), sinon à faire croire que les transactions ont lieu en monnaie centrale, ce qui est faux !

Cette belle organisation de façade s'est écroulée avec la crise, quand les banques créditrices ont refusé les titres dits "toxiques" que voulaient leur "refiler" les banques débitrices en garantie des prêts ! La Banque centrale s'est vue contrainte de déverser des torrents de monnaie centrale pour soutenir le système défaillant, pris dans la tourmente du risque systémique.

Ainsi, à l'instar du SIT, le PNS déverse dans TBF, c'est-à-dire en fin de course à leurs comptes à la Banque de France, non seulement les positions des banques (résultant de la compensation) mais aussi leurs règlements multilatéraux opérés ici sur le marché interbancaire.

4.3 - Compensation et règlement des transactions entre la Banque centrale et les banques de second rang

La compensation traite non seulement d'instruments de règlement domiciliés dans les banques secondaires, comme on vient de le voir, mais aussi d'instruments domiciliés à la Banque de France pour le compte du Trésor. Ils sont traités en compensation vraisemblablement dans un compartiment indépendant de manière à les isoler, pour des raisons pratiques, des opérations entre banques de même rang.

Il s'ensuit que les banques se trouvent dans l’ensemble excédentaires ou déficitaires en monnaie centrale, en équivalent des déficits ou excédents du Trésor Public. Ces excédents ou déficits se règlent sur l'open market, si nécessaire, non pas sur le marché interbancaire.

Lorsque le Trésor Public paye ses fournisseurs et encaisse les impôts mis en recouvrement, les chèques émis ou reçus, les virements, prélèvements ou autres formes de règlement qui s'y rattachent sont domiciliés à l'Institut d'émission. Ils mettent donc en jeu les comptes des contribuables ouverts dans les banques de dépôts face à celui du Trésor ouvert à la Banque centrale.

A l'issue de la compensation, les positions débitrices et créditrices des banques vis-à-vis de la Banque centrale sont inscrites à leur compte à l'Institut d'émission. Mais, à la différence de la liquidation des positions entre banques de même rang, soit de gré à gré (SIT), soit sur le marché interbancaire (PNS), ainsi qu'on l'a vu, les positions débitrices doivent être liquidées par l'intermédiaire de l'Open market (pour les banques, dites "en banque", qui n'auraient pas la provision) seul marché autorisé à fournir les besoins en monnaie centrale.

Ces opérations avec la Super-banque n'altèrent d'aucune manière la règle de l'égalité des positions débitrices et créditrices des banques de second rang entre elles :

l'égalité de l'offre et de la demande de monnaie sur le marché interbancaire est toujours vérifiée avec ou sans le Trésor Public.

 

5 – Transferts Banque de France (TBF)

Voici comment est présenté TBF dans le bulletin de la Banque de France du mois de novembre 1999 :

TBF (Transferts Banque de France), système à règlement brut en temps réel géré par la Banque de France, est opérationnel depuis deux ans. Les opérations y sont effectuées  par échange d’avoirs dans les livres de la Banque centrale. Les systèmes domestiques d’échange et de règlement-livraison de titres y déversent leurs soldes au cours de la journée, sous la forme d’ensembles d’opérations obligatoirement imputés en bloc. Ces déversements, dits de systèmes exogènes (SE), ainsi que les opérations de Banque centrale, telles que les opérations de politique monétaire, ont priorité sur les virements.

Depuis le 4 janvier 1999, date d’entrée de l’Union monétaire européenne en phase III, TBF fait partie des quinze systèmes bruts nationaux reliés par le système Target (Trans-european Automated Real-time Gross settlement Express Transfer).

TBF recouvre donc des règlements nets en provenance du SIT et du PNS (règlement des positions nettes bancaires), et des règlements bruts pour le reste (échange d'avoirs dans les livres de la Banque centrale).

On peut se poser la question de savoir pour quelles raisons les banques centrales attachent tant d'importance à marquer la différence entre brut et net, comme si les règlements nets les embarrassaient. Peut-être sont-elles gênées par le fait que les systèmes à règlements bruts s'appliquent aux transferts des ordres de la clientèle nécessairement individualisées, mais ne peuvent l'être aux règlements des positions si celles-ci sont nettes ?

Aux Etats-Unis, par exemple, il existe 2 systèmes de compensation, l’un appelé Chips comparable à notre SIT, l’autre appelé Fedwire qui peut être comparé à notre PNS, avec toutefois pour différence le fait que le système américain est un système à règlement brut, donc à règlements non compensés, alors que notre PNS fonctionne à règlement net.

En dehors des opérations de déversement des systèmes SIT et PNS (à règlement net) que l'on vient d'examiner (dits exogènes SE), il existe des règlements interbancaires qui échappent à la compensation. Il s’agit de transactions de très gros montants que les banques règlent entre elles par voie de transfert direct de compte à compte à l’Institut d’émission (TBF) ou de banque centrale à banque centrale en Europe (Target2-Banque de France, à présent). Le terme de "brut" utilisé est superfétatoire puisqu'il s'agit d'opérations individuelles de virements.

Ces virements matérialisent des transactions de très gros montants réalisées pour la plupart sur le marché monétaire ; elles concernent grosso modo :

a) - des transferts d’ordre et pour compte d’agents non bancaires,

b) - des virements faisant intervenir une banque agissant pour propre compte et une autre banque agissant pour le compte d'un agent non bancaire,

c) - des transferts entre banques pour leur propre compte,

Dans l’hypothèse où les banques ne sont qu’intermédiaires dans les transferts (a), on peut en déduire que la monnaie centrale sert de monnaie d’échange, entre deux banques et leurs clients respectifs, puisqu’il s’agit en définitive de monnaie débitée à un compte de dépôt à vue (DAV) d'un agent non bancaire pour être inscrite au crédit d’un compte de dépôt à vue (DAV) d’un autre agent non bancaire destinataire des fonds. La transaction emprunte un circuit différent de la compensation, mais pour un résultat final identique. La monnaie secondaire est ainsi passée d'une banque à l'autre.

 

6 – Conclusions

Les systèmes de compensation appelés systèmes de règlement de masse (hier SIT, aujourd'hui CORE) et de montants élevés (hier PNS, aujourd'hui absorbé par Target2 Banque de France), sont des systèmes qui ont pour fonction de servir de véhicules de transmission :

- vers les services informatiques des banques, des informations relatives aux ordres de règlement passés par la clientèle d'une banque à l'autre, d'une part, et à destination de la Banque centrale pour enregistrement des positions bancaires correspondantes, d'autre part,

- vers la Banque de France, via TBF, des règlements des positions qui ont fait objet de transactions entre les banques de gré à gré (SIT) ou sur le marché interbancaire (PNS),

L'opération de compensation proprement dite ne peut être achevée qu'avec le règlement des positions interbancaires.

Comme les banques font leur affaire du règlement de leurs positions par des accords de prêts/emprunts réciproques, hors leurs comptes à l'Institut d'émission, il n'y a pas échange de monnaie, encore moins de monnaie centrale comme le soutient "mordicus" la Banque de France. Pour qu'elle le soit, il faudrait que les banques débitrices empruntent à la Super-banque afin de faire virer les fonds ainsi obtenus à leurs concurrentes créditrices. Dans cette hypothèse, le marché interbancaire n'existerait plus et la monnaie centrale envahirait le marché. Ce que la crise systémique a démontré.

La Banque de France ne sert donc que de chambre d'enregistrement.

Outre les règlements interbancaires qui transitent par son intermédiaire à la sortie de la compensation, TBF permet aussi aux banques d'effectuer des virements entre elles sans passer par la compensation. Target2-Banque de France qui remplace maintenant TBF devrait remplir les mêmes fonctions.

Les marchés interbancaires sont à l'origine de la crise systémique qui n'en finit pas de secouer le monde financier. Des titres qui étaient acceptés sur ces marchés, en garantie par les banques prêteuses, ont été du jour au lendemain refusés, en raison des risques de dépréciation qui les ont affectés. D'abord, les titres devenus "toxiques" (affaire des "subprimes"), puis les titres souverains. Il en est résulté de profonds dérèglements de ces marchés, puisque les banques centrales ont dû s'y substituer. Pour ce faire, elles ont déversés des centaines de milliards de monnaie centrale, alimentant ainsi la trappe à liquidités, sans utilité pour l'économie, puisque cette monnaie n'a cours qu'entre titulaires de comptes ouverts à l'Institut d'émission, soit les banques et le Trésor.

L'émission de ces masses considérables de monnaie aurait pu être évitée, si les banques centrales avaient tout simplement supprimé les marchés de gré à gré et interbancaire et avaient ouvert, à la sortie de la compensation, des comptes au nom de chaque banque (en positions non réglées) dans une structure indépendante de ses comptes de bilan. Ces comptes auraient constaté, jour après jour, les dettes et créances des banques les unes envers les autres, sans échange de monnaie, comme c'est le cas actuellement.

 

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