Le fonctionnement de l'Etat, son budget et ses investissements

 

Les gouvernements successifs ont toujours essayé de résorber le chômage en créant des postes de fonctionnaires, soit au service de l'Etat, soit au service des collectivités locales. Avec un succès tout relatif, il faut bien en convenir. Les limites auxquelles ils se sont tous heurtés sont celles du financement quand il dépasse les limites de taxation supportable par les contribuables. En supposant que l'endettement n'ait plus de limite, on pourrait en conclure que le chômage devrait être résorbé.

Ce n'est pas aussi simple que ça.

La gouvernance ou gestion de l'économie nationale devrait commencer par une tenue ordonnée des comptes de la nation, ce qui n'est pas le cas dans de nombreux secteurs et notamment sociaux.

Prenons à titre d'exemple les comptes de la sécurité sociale et ceux des retraites. Ce n'est un secret pour personne.

Le gouvernement socialiste a inventé en 1999 la couverture maladie universelle (CMU) devenue depuis le 1er janvier 2016 la protection universelle maladie (PUMA) ; c’est plus joli. Que le gouvernement décide d'instituer une mesure sociale généreuse, c'est son droit. Mais que les dépenses correspondantes soient noyées au sein des comptes de la Sécurité Sociale est un amalgame coupable, car il ne veut pas que l'on connaisse le coût de sa décision politique. On ne cesse de chercher à combler le trou de la Sécu qui évidemment prend des proportions hallucinantes puisque l’on manque de cotisations pour y faire face.

Dans la même veine, les gouvernements ont choisi de verser des retraites à des personnes étrangères ou naturalisées qui n'ont jamais cotisé. Les Caisses de retraites sont vidées, l'âge de la retraite doit être repoussé si l'on veut sauver un régime que les gouvernements successifs ont dénaturé par la pratique de l'amalgame.

En cherchant bien, la liste de ce genre de pratique de l'amalgame doit être longue.

Nos gouvernants sont tous les mêmes, ils cherchent à dissimuler leurs manigances. On serait bien étonnés de la charge effective si, par exemple, un compte spécial CMU/PUMA était tenu.

Passons maintenant au budget.

On lui donnera deux définitions distinctes mais voisines :

- la première celle de budget informel, telle celle que nous donnons au budget familial qu'il soit tenu ou non sous forme de comptes (nos dépenses sont très rapidement contraintes si elles dépassent outre mesure nos revenus),

Si vous arpentez les tableaux de chiffres publiés par les organismes officiels vous ne trouverez jamais les mêmes chiffres, d'où les batailles à ce propos.

- la seconde celle de budget formel, telle celle qui a cours dans les entreprises dont on suit scrupuleusement la réalisation (contrôle budgétaire), telle aussi celle de l'Etat soumis au vote du Parlement, à la condition qu’il soit complet ce dont il est permis de douter.

Savez-vous que l'Etat tient toujours ses comptes comme ceux d'un épicier en recettes et dépenses ? Même si depuis la fin du siècle dernier des comptes de patrimoine ont vu le jour à l'Insee.

Le budget de l'Etat (formel) est établi par le gouvernement et soumis au vote des parlementaires dans le Projet de Loi de Finances (PLF) pour l'année suivante. Les recettes et les dépenses des collectivités locales ne figurent pas dans ce budget, ce qui est pour le moins surprenant.

Il est établi sur les bases du fameux critère de Maastricht limitant le déficit budgétaire à 3% du PIB, raison pour laquelle on peut parler de budget "régional" européen.

Précisons que la limite de la dette publique fixée à 60% du PIB par le même critère comprend l'ensemble Etat et collectivités, ce qui ouvre la porte à de multiples confusions.

Le budget de l'Etat (modèle Maastricht) est en fait très simple comme le montre le tableau suivant :

Solde général du budget de l'Etat

en milliards d'euros

2012

2013

2014

2015

PLF 2016

PLF 2017

Produit Intérieur Brut

1 869,5

1 954,4

2 040,3

2 097,4

2 118,2

2 287,0

Source : TEE

2012

2013

2014

2015

2016

PLF 2017

(révisé)

Dépenses nettes *

370,7

373,1

374,0

366,7

374,3

381,7

Recettes nettes

282,5

297,7

288,2

294,5

301,7

307,0

Soldes comptes spéciaux

1,0

0,6

0,2

1,6

2,7

5,4

Solde général

-87,2

-74,8

-85,6

-70,6

-69,9

-69,3

Solde général en % du PIB

-4,7

-3,8

-4,2

-3,4

-3,3

-3,0

* Par convention, les prélèvements sur recettes au profit des collectivités et de l'UE sont inclus sur la ligne "Dépenses"

Source : PLF 2015/16/17 et chiffres clés PLF 2017

Voici le détail des dépenses nettes pour l'exercice 2017 (en mds€) :

dépenses des ministères

234,40

notre participation aux dépenses de l'Union européenne

19,08

transferts aux collectivités locales

47,03

charges de la dette

  41,80

contribution au CAS pensions

48,00

Pour savoir si la ligne « dépenses des ministères » contient ou non les dépenses d’investissements, il faut se reporter à la loi organique de 2001 relative aux lois de finances. Elles y figurent comme faisant partie des charges budgétaires de l’Etat. Mais elles ne sont pas connues en tant que telles à l’examen du PLF. Etant donnée la place que tient l’investissement dans l’activité de production nationale, il est tout de même surprenant qu’il n’en soit pas fait mention dans le budget de l’Etat. Et puis, pourquoi  traiter sur le même plan financier des dépenses courantes et des dépenses de patrimoine (donc à long terme) que l’on veut soumettre indistinctement à l’impôt ?

On voit que le solde général négatif (dernière ligne du tableau) ne remplit pas la limite fixée par le critère de Maastricht. Dans l'esprit du public, les déficits de l'Etat ne sont que le résultat comptable de la gabegie des gouvernements successifs.

Bien qu'encadrés par les normes européennes, ces chiffres officiels sont-ils fiables ? Rien n’est moins sûr.

On sait comment le gouvernement réussit à se défausser de certaines dépenses auprès des collectivités locales, notamment le RSA qui ne cesse de croître et embellir. Les prélèvements sur recettes versés à ces collectivités sont notoirement insuffisants ce qui a pour effet d'augmenter la pression fiscale sur les propriétaires et habitants par les taxes foncières et d'habitation, ou à défaut recourir à l'emprunt.

Le RSA tire à la hausse les dépenses des départements 11,3 mds€ en 2015 en hausse de 6% par rapport à 2014 (Source Figaro du 28 janvier 2017).

L'objectif du gouvernement est évidemment de rester dans les clous de Maastricht.

A l'aide des tableaux économiques d'ensemble (TEE) publiés chaque année par l'Insee, nous allons chercher à savoir si l’investissement public entre bien dans les dépenses des ministères et qu’elle est sa part dans l’endettement public.

Notre étude porte sur les 20 années (1996-2015).

L’endettement de la France au sens de Maastricht est passé de 683,6 mds€ à fin 1995 à 2.097,4 à fin 2015, ce qui nous donne une augmentation de la dette publique de 1.413,8 mds€.

L’investissement ou Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) des administrations publiques (Etat et collectivités - S13 du TEE,), cumulé sur la même période atteint la somme de 1.382,8 mds€.

Notre étude montre bien qu'en 20 ans, les investissements (Formation brute de capital fixe) de l'Etat et des collectivités ont été financés par la dette publique ce qui signifie que l’impôt n’a pas réussi à les couvrir.

En revanche, nous ne pouvons pas dire que l’investissement public entre bien dans les dépenses des ministères ; certainement oui mais intégralement non, car comme par hasard les dépenses des ministères ne comprennent pas les dépenses des collectivités. Rien n’est fait pour éclaircir les questions que l’on peut se poser à ce sujet. Mais notre conclusion à ce stade de l’étude est que :
la dette sert surtout à financer l'investissement public que l’impôt n’arrive pas à couvrir

La question qui se pose est la suivante : comment a été fixée la limite de la dette à 60% du PIB ?

Il semblerait qu’elle ait été calculée sur la base de chiffres qui avaient cours à l’époque du traité de Maastricht (1992). Le décrochement de la France se situe immédiatement après la crise des subprimes en 2008, ce qui peut laisser supposer que cette crise n’est pas étrangère à ce décrochement.

La raison économique qui pouvait fonder ce critère à l’époque est devenue au fil des évènements une raison politique de faire plier les Etats aux oukases de la Commission européenne quelle que soit  l’influence des évènements en la circonstance.

Revenons maintenant au budget de l'Etat.

En résumé, il s’agit d’un budget de trésorerie, mêlant dans les recettes, celles qui concernent les taxes et impôts, les revenus de ses participations dans les entreprises publiques, les cessions de biens et les emprunts, et dans les dépenses celles qui concernent les dépenses de fonctionnement, les aides diverses et variées, les investissements, les intérêts des emprunts et les emprunts eux-mêmes.

Ce qui a comme première et absurde conséquence d'obliger l'Etat à emprunter pour accroître son patrimoine et à le revendre pour rembourser ! Sans parler des intérêts qu'il doit mettre à la charge de la population active en Europe pour que ses comptes soient équilibrés, puisque le traité de Maastricht en a décidé ainsi ! La deuxième conséquence tout aussi absurde qu'implacable est la cavalerie - ou roulement, terme plus lénifiant - des emprunts d'Etats, quand l'impôt n'arrive plus à couvrir les dépenses, ce qui est devenu usage courant dans notre pays.

Sans faire appel aux "investisseurs", terme qui comprend surtout les spéculateurs afin d'entretenir la confusion, car le plus important est de rester dans la logique de marché.

Les besoins financiers de l'Etat d'un pays devraient être divisés grosso modo en 3 groupes :

                1 - les dépenses publiques de fonctionnement,

Dans une économie digne de ce nom, le budget de fonctionnement (amortissements incorporés) devrait être équilibré. Inutile d'ajouter qu'au milieu de ce désordre organisé ou si l'on préfère de l'ordre abandonné, rien n'est fait (ou si peu) pour lutter contre la dégradation de l'environnement qui menace la planète entière.

                2 - les dépenses d'investissement,

                3 - les besoins monétaires de la régulation économique nationale, comme il a été dit au chapitre A1.

Les premiers devraient être couverts par les impôts et taxes ; quant aux deux autres, ils devraient être couverts par de la monnaie dite permanente, c'est-à-dire par de la monnaie émise par la Banque de France et mise à la disposition du gouvernement sans intérêt ni échéance de remboursement sur décision du Parlement.

Ainsi, la création de monnaie permanente à destination exclusive de l'Etat, rendue possible en Europe par la dénonciation ou renégociation des accords de Maastricht, mettrait fin à l'intervention des marchés financiers et des agences de notation sur une dette souveraine qui ne courait plus aucun risque de défaut de paiement. Et pour cause, il n'y aurait plus de dette souveraine sur les marchés !

Ainsi, la Banque centrale fournirait exclusivement les besoins de l'Etat tandis que les banques privées fourniraient exclusivement ceux des agents non bancaires, y compris donc ceux des sociétés financières et de crédit (voir notre proposition de réforme du système monétaire au chapitre B7).

En conséquence, les agences de notation borneraient leurs notations aux entreprises privées et semi-publiques, ce qui n'aurait jamais dû être autrement.

La mise en vigueur de la monnaie permanente qui chasse la monnaie d'endettement (excès de crédits sur l'épargne) est bien l'alpha d'une remise en ordre financière publique pour le bien général.

Jean Bayard
Novembre 2016
Texte remanié en avril 2017

 

 

 

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